Les leçons de la victoire du groupe Barrière contre Meta

Victoire du Groupe Barrière contre Meta : Un exemple à suivre pour protéger votre image en ligne

Tribunal Judiciaire de Paris, Juge de l’exécution, Jugement du 10 septembre 2024, RG 24/81228, SA GROUPE LUCIEN BARRIERE vs Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED

Les entreprises évoluant sur les réseaux sociaux font face à des risques importants concernant leur image et leur réputation. Le Groupe Lucien Barrière en a fait l’amère expérience lorsqu’il a découvert des publicités illicites pour des jeux d’argent et de hasard en ligne utilisant frauduleusement ses marques sur Facebook, Instagram et Messenger. Ces publicités, diffusées par des comptes non authentifiés et non vérifiés, ont poussé le Groupe à engager une bataille judiciaire contre Meta, la société qui gère ces plateformes.

Dans cet article, nous revenons sur le contexte de cette affaire, les enjeux pour les entreprises, et les mesures à prendre pour protéger efficacement votre image de marque en ligne.

Quand des publicités sur les réseaux sociaux usurpent votre marque

Le cas du Groupe Lucien Barrière est emblématique des dangers auxquels les entreprises sont confrontées sur les plateformes de réseaux sociaux. Le groupe a découvert des publicités sur Facebook et Instagram promouvant des jeux de hasard et d’argent en ligne, reproduisant à l’identique ses marques déposées. Ces publicités, destinées à un public européen, provenaient de comptes non authentifiés, n’ayant pas reçu le label « Meta Verified ».

Le 11 janvier 2024, le Président du tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Meta de mettre en place des filtres efficaces pour empêcher la diffusion de ces publicités. Cependant, les mesures prises par Meta se sont révélées insuffisantes. Le groupe Lucien Barrière a constaté que les annonces frauduleuses continuaient de circuler, parfois pendant plusieurs jours avant d’être supprimées.

Meta a demandé la rétractation de cette ordonnance, qui n’avait pas fait l’objet d’une procédure contradictoire car elle avait été obtenue sur requête du groupe Lucien Barrière.

Par une nouvelle ordonnance de référé rétractation du 24 avril 2024,  le Président du tribunal judiciaire de Paris a rappelé  l’obligation de Meta de bloquer ces contenus. Cette ordonnance, exécutoire à compter du 20 mai 2024, demandait à Meta de prévenir la diffusion de publicités provenant de comptes non authentifiés et utilisant les marques du groupe Lucien Barrière.

Meta a mis en place un filtrage basé sur des mots-clés et des images. Cependant, ce système de filtrage n’intervenait qu’a posteriori, c’est-à-dire après la diffusion des publicités. Ce délai signifiait que les annonces pouvaient rester en ligne plusieurs jours avant d’être supprimées, ce qui nuisait bien évidemment à l’image du groupe Lucien Barrière.

La procédure engagée par le groupe Lucien Barrière auprès du Juge de l’exécution

Face à cette situation, et estimant que Meta ne respectait toujours pas les ordonnances du Président du Tribunal judiciaire de Paris, le Groupe Lucien Barrière a engagé une nouvelle procédure contre Meta à partir de juin 2024. Le 18 juin 2024, des constats d’huissier ont été réalisés pour prouver que les publicités litigieuses étaient toujours en ligne et visibles des internautes, en dépit des filtres mis en place par Meta. Ces constats ont démontré que les mesures de filtrage adoptées par la plateforme n’étaient pas suffisamment efficaces pour empêcher la diffusion en amont des annonces frauduleuses.

Le Groupe Lucien Barrière a  porté l’affaire devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris, demandant que Meta soit sanctionnée pour sa violation de l’ordonnance du 24 avril 2024. Lors de cette audience, Meta a soutenu qu’elle avait mis en place des moyens techniques raisonnables pour limiter la diffusion des publicités litigieuses, mais a souligné qu’il était impossible d’éviter complètement toutes les annonces frauduleuses.

Le juge n’a pas retenu l’argumentation de Meta, affirmant que cette dernière devait prouver qu’elle avait mis en place des moyens efficaces pour atteindre le but recherché, même si ces moyens ne garantissaient pas une suppression complète et immédiate de toutes les publicités illicites. Le juge a rappelé que, bien que Meta ne soit pas tenue de mettre en place un outil infaillible, elle avait la capacité financière et technologique de développer des solutions plus performantes. Meta, en tant que fournisseur de services intermédiaires tel que défini par le Digital Services Act, était donc tenue de faire preuve de plus de diligence.

Le juge a également souligné que Meta pouvait utiliser des technologies plus avancées, comme les algorithmes d’intelligence artificielle, pour détecter et bloquer de manière plus proactive les contenus litigieux, en particulier les images générées par IA. Ainsi, Meta n’avait pas épuisé toutes ses options technologiques pour se conformer aux deux ordonnances du Président du tribunal judiciaire.

La décision: Meta condamnée à une astreinte de 10 000 euros par jour

Le 10 septembre 2024, le juge de l’exécution a condamné Meta à une astreinte de 10 000 euros par jour de retard, à compter d’un mois après la notification de la décision, pour chaque jour où elle ne mettrait pas en place des mesures efficaces pour empêcher la diffusion de publicités illicites. Cette astreinte vise à encourager Meta à agir rapidement et à renforcer ses systèmes de filtrage pour éviter de nouveaux manquements.

Cette décision marque une belle victoire pour le Groupe Lucien Barrière et envoie un signal fort aux entreprises utilisant les plateformes numériques pour leur communication et leur publicité : les grandes entreprises technologiques ne sont pas au-dessus des lois et doivent prendre des mesures concrètes pour protéger l’intégrité des marques et des contenus diffusés sur leurs réseaux.

Conseils pratiques pour protéger votre entreprise contre les publicités et contenus litigieux

Les risques liés aux publicités non vérifiées ou frauduleuses ne doivent pas être négligés par les entreprises présentes sur les réseaux sociaux. Voici quelques actions concrètes à prendre pour mieux protéger votre marque et éviter que votre image ne pâtisse d’acteurs peu scrupuleux :

  1. Surveillez activement votre image de marque en ligne : Utilisez des outils de surveillance numérique comme Mention ou Brand24 pour surveiller l’utilisation de vos marques, logos et autres éléments d’identité sur les réseaux sociaux. Ces outils permettent de repérer rapidement les publicités ou contenus qui pourraient nuire à votre image.
  2. Collaborez avec les plateformes de manière proactive : Engagez un dialogue direct avec les plateformes comme Meta pour vous assurer qu’elles mettent en place des mécanismes de signalement et de filtrage adaptés. Vérifiez que vos comptes officiels sont authentifiés et labellisés (par exemple, « Meta Verified ») pour éviter les confusions et renforcer la crédibilité de votre marque.
  3. Protégez vos marques : Déposez vos marques non seulement dans votre pays, mais aussi dans les marchés où vous opérez. Cela vous permettra d’agir plus rapidement en cas d’abus, notamment si des publicités trompeuses sont diffusées à l’étranger.
  4. Agissez rapidement si vous identifiez des contenus frauduleux : Si vous repérez des publicités ou des contenus qui violent vos droits de propriété intellectuelle ou votre image, ou qui constituent des actes de parasitisme, n’attendez pas pour réagir. Utilisez les outils de signalement fournis par les plateformes et, si nécessaire, engagez une action en justice pour obtenir une décision rapide.
  5. Exigez des plateformes un meilleur filtrage : Si les mesures de filtrage mises en place par les plateformes se révèlent insuffisantes, vous avez le droit de les attaquer. Comme l’a montré le cas Lucien Barrière contre Meta, il est possible de forcer les plateformes à améliorer leurs outils de filtrage pour garantir une protection plus efficace des marques et des contenus.

En conclusion : agissez vite et efficacement pour protéger votre marque

L’affaire Lucien Barrière contre Meta rappelle que la protection de l’image de marque est une bataille de tous les instants. Les plateformes numériques jouent un rôle clé dans la diffusion des contenus, mais elles ne sont pas infaillibles. Il revient aux entreprises de surveiller activement l’utilisation de leur marque et d’agir rapidement en cas de contenu illicite. En engageant des actions efficaces, comme l’a fait le Groupe Lucien Barrière, vous pouvez protéger votre réputation et contraindre les plateformes à prendre leurs responsabilités.

Vous pouvez consulter le texte de la décision ici