Pour une petite entreprise, placer ses produits sur la marketplace d’Amazon constitue souvent une étape incontournable pour gagner rapidement en visibilité sur internet et bénéficier des outils performants de la plateforme de e-commerce à moindre coût (référencement de produits, outils de traduction automatisés, outils de pricing des prix selon les taux de TVA, etc.). Pourtant, à l’instar de la ruée vers l’or (noir de la data), la loi du plus fort est souvent de mise.
Est-ce une bonne idée de se lancer dans l’aventure de vendre ses produits sur Amazon ?
Pour vous faire une idée des embûches qui vous attendent, voici une liste des pratiques illicites pratiquées par les Dalton et les Billy the kid du web:
Contrefaçon
Amazon constitue une manne pour les contrefacteurs asiatiques (80% de la contrefaçon mondiale est issue de Chine et de Hong-Kong d’après les estimations de l’OCDE). A tel point qu’en avril 2020, la plateforme Amazon France a été placée sur liste noire par le représentant américain au commerce en avril 2020 dans le cadre du rapport spécial 301 qui évalue les actions menées par les États en matière de protection de la propriété intellectuelle, et visant à recenser les lieux physiques ou en ligne dans lesquels de la contrefaçon de biens manufacturés et du piratage d’œuvres culturelles surviendraient de façon significative. Obtenir le déréférencement des produits contrefaits constitue un parcours du combattant : il est souvent impossible d’identifier et poursuivre les sociétés contrefaisantes, et très difficile d’attaquer Amazon pour atteinte au droit des marques.
La société COTY en a récemment fait les frais (CJUE, n° C-567/18, Arrêt de la Cour, Coty Germany GmbH contre Amazon Services Europe Sàrl e.a, 2 avril 2020). Titulaire d’une licence sur la marque européenne Davidoff, elle avait constaté que des flacons de parfum Davidoff étaient offerts à la vente par un revendeur non autorisé sur la marketplace allemande d’Amazon dans le cadre du programme « Expédié par Amazon ». Elle a donc engagé une action en contrefaçon contre Amazon parce que les produits étaient entreposés chez le géant de la marketplace. La Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que la responsabilité d’Amazon ne pouvait pas être engagée à partir du moment où elle ignorait que dans le cadre de son programme d’expédition, un vendeur tiers vendait des produits contrefaisants.
Concurrence déloyale pour les produits réglementés
Des normes françaises et européennes extrêmement contraignantes peuvent s’appliquer sur certains produits réglementés : produits chimiques, produits à usage médical, médicaments, aliments. Ces normes peuvent concerner l’obligation de marquage CE, une certification etc. De nombreuses sociétés s’affranchissent de ces obligations pour commercialiser à prix cassés des produits non conformes.
Concurrence déloyale grâce à la fraude à la TVA
Un rapport de novembre 2019 de l’Inspection Générale des Finances, disponible ici, précise qu’au 31 décembre 2017, 98 % des vendeurs étrangers actifs contrôlés sur Amazon n’étaient pas immatriculés à la TVA en France. Ce taux est particulièrement anormal dans la mesure où l’obligation d’immatriculation à la TVA en France vaut dès la première vente, dès le premier euro, pour toutes les sociétés, européennes ou non, qui utilisent le service proposé par Amazon sous le nom de « Expédié par Amazon ». Cette fraude à la TVA constitue une forme de concurrence déloyale car les sociétés frauduleuses bénéficient de services de logistique et d’expédition leur permettant de livrer en 24 heures ou 48 heures en France, grâce au prépositionnement de leurs stocks dans des entrepôts français, avec un avantage de prix de 20% par rapport aux sociétés qui respectent leurs obligations fiscales.
Concurrence déloyale par … Amazon qui exploite votre data pour mettre en avant ses produits!
Cerise sur le gâteau, il faut avoir à l’esprit qu’Amazon est fortement soupçonnée par la Commission Européenne d’exploiter les données commerciales des vendeurs tiers sur sa plateforme pour adapter sa stratégie commerciale et vendre plus efficacement ses propres produits Amazon Basics, comme le rappelle un communiqué de la Commission du 10 novembre 2020 disponible ici. Cette pratique constitue un abus de position dominante interdit par l’article 102 TFUE.
Alors prêts à enfiler vos bottes de cow-boy et tenter l’aventure ? Vous voilà désormais prévenu, et n’hésitez pas à contacter le cabinet si vous êtes à la recherche d’un as de la gâchette du droit du e-commerce.
Image par RENE RAUSCHENBERGER de Pixabay